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Que dit le Rapport de la Cour des Comptes de l'UE sur les Énergies marines renouvelables?

Image CdC UE

La stratégie de l’Union sur les énergies renouvelables en mer fixe des objectifs de déploiement ambitieux pour 2030 et 2050.
La Cour des Comptes lance un regard critique sur la façon de procéder et d'imposer les parcs aux populations concernées.

Nous avons examiné si la Commission et les États membres avaient encouragé le développement durable des énergies marines renouvelables.
Nous avons constaté que bien qu’ils aient agi en faveur de ces énergies, leur durabilité sociale et environnementale est loin d’être garantie.
La planification a facilité la répartition de l’espace maritime, mais n’a pas résolu les conflits liés à son utilisation. Jusqu’à présent, les implications socio-économiques du développement des énergies marines renouvelables n’ont pas été étudiées suffisamment en détail et de nombreux aspects environnementaux demandent encore à être mieux cernés.
Dans ce contexte, nous recommandons d’entreprendre des actions qui visent à la fois à encourager le développement des énergies marines renouvelables et à en garantir la durabilité environnementale et sociale.

L'ambitieuse stratégie de l’Union sur les énergies renouvelables en mer

Les objectifs sont élevés, à 61 GW de capacité installée à l’horizon 2030 (soit l'équivalent de 38 EPR) et 340 GW à l’horizon 2050 (soit plus de 200 EPR).

Un conflit d'usage avec les pêcheurs

Nous avons constaté qu’en dépit de l’accent mis sur la notion de co-utilisation de l’espace maritime, la coexistence de différents secteurs d’activité et des énergies marines renouvelables n’est pas encore monnaie courante: dans certains pays, une approche constructive devra être trouvée pour mettre fin aux conflits non résolus avec les pêcheurs.

Visuel le Parc Éolien de la baie de Saint-Brieuc depuis Pléneuf Val André à l’œil nu ou au téléobjectif par Serge Bizeul

Une dépendance extérieure qui ralentit les chantiers

Le rythme de développement peut également dépendre de la disponibilité des matières premières nécessaires au déploiement des technologies en mer, pour lesquelles l’UE est très dépendante de pays tiers, en particulier de la Chine.

Une manque de données environnementales

De nombreux aspects environnementaux liés au déploiement prévu des énergies marines renouvelables demandent encore à être mieux cernés.
Compte tenu de l’ampleur qu’il devrait prendre dans les années à venir, son empreinte environnementale sur la vie marine pourrait être considérable.

Concernant la France et en comparaison avec l'Allemagne

La France a défini sa stratégie pour les énergies en mer en 2009. Il aura fallu 13 ans pour que le premier parc éolien commercial (novembre 2022 à Saint-Nazaire) soit opérationnel.
La capacité cumulée totale d’EMR de la France s’élève actuellement à 482 MW, soit une capacité 16 fois inférieure à celle développée par l'Allemagne.
L’objectif national en matière d’EMR est fixé à 6,2 GW à l’horizon 2028.
En février 2022, la France s’est engagée à atteindre 40 GW d’éolien en mer en 2050. L'Allemagne de son côté, avec un gisement beaucoup plus faible, prévoit 30 GW pour 2030, 40 GW pour 2035 et 70 GW pour 2045.

Les EMR se développant lentement, elle [La France ]devra nettement accélérer le déploiement de ces installations pour atteindre cet objectif.
Cour des Comptes de l'UE

Synthèse du rapport

I. Le pacte vert pour l’Europe place la transition énergétique au cœur des efforts déployés par l’UE pour parvenir à la neutralité climatique en 2050 et pour combattre la perte de biodiversité et la pollution. Ces objectifs ne pourront être atteints sans un recours accru et durable aux énergies renouvelables. Les énergies marines renouvelables en font justement partie et devraient contribuer grandement à la réalisation des objectifs du pacte vert pour l’Europe.

II. En 2020, la Commission a adopté une stratégie de soutien au développement durable des énergies marines renouvelables. Ses objectifs portent sur les enjeux à long terme, comme le développement d’une planification inclusive de l’espace maritime, l’amélioration de la coopération régionale et la protection de l’environnement. Cette stratégie contient des objectifs spécifiques concernant la future capacité d’énergies marines renouvelables. Les États membres définissent leurs politiques décennales en matière d’énergie et de climat dans leur plan national du même nom: ils l’ont fait pour la première fois en 2020 et devront présenter une mise à jour de leur plan en 2024.

III. Le présent rapport a pour objet d’établir si le développement des énergies marines renouvelables s’effectue de manière durable dans l’UE. Nous avons évalué les actions de la Commission en faveur du secteur des énergies en mer, apprécié la contribution des plans nationaux à la réalisation des objectifs à l’échelle de l’Union et vérifié si les fonds de l’UE avaient financé le développement des énergies marines renouvelables de manière efficace. Nous avons examiné le rôle de la planification de l’espace maritime, en nous intéressant tout particulièrement à la coexistence de différents usagers de la mer et à la coopération entre les États membres. Nous nous sommes également penchés sur la manière dont les États membres et la Commission ont évalué les répercussions sociales et environnementales et ont cherché à y remédier. L’audit porte sur l’évolution des politiques avant et après l’adoption de la stratégie de l’Union sur les énergies renouvelables en mer. Pour mener à bien notre analyse, nous avons sélectionné des projets financés par l’UE entre 2007 et 2022.

IV.  Notre audit donne des éléments d’information sur les actions entreprises par la Commission et les quatre États membres sélectionnés pour soutenir le développement des énergies marines renouvelables. Nos constatations d’audit devraient fournir un éclairage utile à la mise à jour des plans nationaux en matière d’énergie et de climat.

V. En conclusion, nous estimons que, dans l’ensemble, les actions de l’UE, y compris ses financements, ont contribué au développement des énergies marines renouvelables, et plus particulièrement de l’éolien en mer. Toutefois, les objectifs sont ambitieux et pourraient être difficiles à atteindre. À cela s’ajoute le fait que la durabilité sociale et environnementale du développement des énergies marines renouvelables est loin d’être garantie.

VI. La stratégie de l’Union sur les énergies renouvelables en mer fixe des objectifs élevés, à savoir 61 GW de capacité installée à l’horizon 2030 et 340 GW à l’horizon 2050. Trois des quatre États membres audités envisageaient un déploiement des énergies marines renouvelables sur une grande échelle, comptant ainsi contribuer grandement à la réalisation des objectifs de l’Union dans son ensemble. Il leur faudra cependant accélérer nettement le rythme annuel de déploiement, et la récente flambée de l’inflation pourrait ralentir le développement de l’éolien en mer. Le déploiement commercial des énergies océaniques ne devrait pas se généraliser avant 2030 et, d’ici là, leur contribution à la réalisation des objectifs en matière d’énergies renouvelables sera très probablement marginale.

VII. La planification est un outil nécessaire pour assurer la répartition de l’espace maritime entre les différents usages, tout en limitant autant que possible les conséquences néfastes pour l’environnement. La Commission a activement soutenu les autorités nationales en la matière dans le cadre du développement des énergies renouvelables en mer. Nous avons constaté qu’en dépit de l’accent mis sur la notion de co-utilisation de l’espace maritime, la coexistence de différents secteurs d’activité et des énergies marines renouvelables n’est pas encore monnaie courante: dans certains pays, une approche constructive devra être trouvée pour mettre fin aux conflits non résolus avec les pêcheurs.

VIII. Les États membres partageant les mêmes eaux marines se consultent lors de l’établissement de leurs plans d’aménagement de l’espace maritime, mais n’ont que rarement saisi cette occasion pour monter des projets communs en matière d’énergies marines renouvelables, se privant ainsi de possibilités d’utiliser de manière plus efficiente un espace maritime limité. D’un État membre audité à l’autre, les procédures d’octroi de permis et leur durée varient fortement et peuvent ralentir le déploiement des énergies renouvelables en mer. Le rythme de développement peut également dépendre de la disponibilité des matières premières nécessaires au déploiement des technologies en mer, pour lesquelles l’UE est très dépendante de pays tiers, en particulier de la Chine.

IX. Les implications socio-économiques du développement des énergies marines renouvelables, par exemple les besoins en compétences, n’ont pas été étudiées suffisamment en détail. De même, de nombreux aspects environnementaux liés au déploiement prévu des énergies marines renouvelables demandent encore à être mieux cernés. Compte tenu de l’ampleur qu’il devrait prendre dans les années à venir, son empreinte environnementale sur la vie marine pourrait être considérable.

X. Dans ce contexte, nous recommandons d’entreprendre des actions qui visent à la fois à encourager le développement des énergies marines renouvelables et à en garantir la durabilité environnementale et sociale.


ALLER PLUS LOIN

Le Rapport spécial de la Cour des Compte de l'UE in extenso: Énergies marines renouvelables dans l’UE, des plans de croissance ambitieux, mais une durabilité difficile à garantir


Philippe Le Roy

Publié le